La Voie d’Aroxenn, c’est une nouvelle de cosy fantasy, queer et anarchiste, écrite pour une personne incroyable que j’ai date un 13/12. C’est une nouvelle sur la liberté, celle que l’on cherche dans les livres, mais qui est une fuite, celle que l’on prend par la lutte, mais qu’il faut protéger à chaque instant, et celle plus intime, que l’on trouve dans son coeur quand on renonce à l’idée de posséder les êtres que l’on aime.
Le feuilleton comptera 9 épisodes, à retrouver deux fois par semaine sur le blog, et nos réseaux sociaux. Vous pourrez télécharger l’intégralité de la nouvelle en fichier epub au dernier épisode, avec une superbe couverture et sans doute une carte dessinées par Noä !
Yurgo, libraire au chômage, hérite d’une grande tante qu’il n’a jamais connu. Cet héritage le sort de la galère et lui permet d’accomplir son rêve : ouvrir son café librairie, dans un lieu magique en bordure d’une forêt. Il y fait la rencontre d’Aroxenn, une personne fascinante et mystérieuse, qui semble en savoir beaucoup sur le lieu et les secrets qu’il renferme. Alors qu’il aspire à faire vivre dans sa librairie un petit bout d’utopie, Yurgo remet tout en question quand il découvre un secret bien gardé. Qui est cette tante Sigrid qui lui a tout légué ? Quels secrets renferme le lieu qui abritera sa librairie ? Qui est vraiment Aroxenn ?
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Épisode 01 / 02 / 03 / 04 / 05 / 06 / 07 / 08
TW: sexe
18
Yurgo relève les yeux, incrédule.
Debout sur la terrasse, les yeux rivés sur son portable, se tient Aroxenn. Un moment de flottement. Yurgo pose son livre d’une main tremblante. Il sent les larmes lui monter aux yeux, sa gorge se nouer. Il se lève doucement, comme s’il avait peur que l’illusion s’évapore. « Aroxenn ? »
So kiss me, and say you’ll understand
So kiss me, and say you’ll understand
So kiss me, and say you’ll understand
So kiss me, and say you’ll…
L’elfe lève la tête vers lui, les yeux mouillés, son portable ouvert sur les images du refuge. « Mon amour… » commence-t-iel d’une voix étranglée, avant de se précipiter dans ses bras.
Son refuge.
Son havre de paix.
Iels pleurent tous les deux de longues minutes sans se lâcher, Circus couinant à leurs côtés. Puis iels s’écartent, et se regardent dans les yeux, en souriant à travers leurs larmes, partageant un silence.
Aroxenn n’a pas changé. Iel a les cheveux un peu plus longs. La barbe, aussi. Un autre anneau était apparu à son oreille. Yurgo passe une main sur sa joue. Il s’approche. Il l’embrasse.
Sa bouche sur la sienne. Sa langue. Son souffle chaud. Ses mains, plus avides, qui empoignent ses fesses, lui arrachant un gémissement. Le frisson sur sa nuque. Ses doigts dans ses cheveux. Le goût de ses larmes entre les soupirs.
Iels rentrent précipitamment. Leurs doigts noués. Leurs mains affamées. Le souffle court quand iels tombent sur le lit défait. Les soupirs chaud de l’elfe dans son cou. Puis ses lèvres. Puis sa langue. Puis ses dents.
Il gémit. Il perd le temps qui file, flou comme un rêve. Il sent les doigts d’Aroxenn s’agripper à ses cheveux alors qu’il a la bouche pleine de son sexe chaud. Il sent la brûlure des claques sur ses fesses nues. Il entend l’écho de leurs bruits dans les hauteurs du plafond.
L’elfe sur son dos. Sa bouche qui voyage jusqu’à ses fesses. Il se cambre en un soupir étouffé, couinant d’extase alors qu’iel le mange. Il s’agrippe aux draps, écarte les cuisses, s’offrant tout entier alors qu’Aroxenn remonte sur lui, le sexe dur et encore mouillé de salive. Un bras autour de son cou, l’autre lui arrimant fermement la main au matelas, Iel glisse doucement entre ses fesses ouvertes. Dans son oreille, une litanie rauque de mots d’amours et de paroles sales, alors qu’iel le pénètre pour le baiser sans attendre, mordant son cou dans un soupir affamé.
Leurs corps essoufflés et avides dans un océan de draps humides. L’écho de leurs cris dans le soir qui tombe. Le bruit sale de leurs étreintes dans la nuit caniculaire.
So kiss me, and say you’ll understand.
19
« Combien ? » Sara lui fait répéter incrédule le nombre de fois où Aroxenn et lui ont fait l’amour, cette nuit là, alors qu’iels attendent Rudd et Ewenn partis chercher les bières. C’est désormais une tradition : tous les samedis soirs, après sa semaine de travail à la librairie, Yurgo passe la soirée à la taverne avec ses amis d’Agosten. Aroxenn rougit un peu et bredouille : « Ça faisait longtemps, d’accord ? » Les trois amies se regardent et éclatent de rire en coeur.
En vérité, iels ont passé une semaine sans quasiment sortir du lit. Et même en sortant du lit, Il leur était difficile de garder leurs corps loin l’un de l’autre. Dans la librairie fermée pour congés. Dans la cuisine. Dans le salon. Dans la vapeur fiévreuse de la salle de bain. Pas une pièce n’a été épargnée par leurs étreintes.
Ça faisait longtemps…
Un mois depuis son retour, et Aroxenn accueille déjà des résidents dans son refuge. Malheureusement, le « côté moche », comme disait Sigrid, ne manque pas d’animaux abandonnés, errant sur les routes, affamés et terrifiés. Alors, comme elle le fut pour des humains de toutes les époques, Agosten est devenue aujourd’hui un refuge pour eux.
Quand Aroxenn ne soigne pas ses bêtes, iel est à la libraire, avec Yurgo, et l’aide un peu. Ensembles, iels trouvent de nouvelles pâtisseries à expérimenter, des mélanges des deux mondes à faire exploser les papilles. C’est d’ailleurs ensemble qu’iels ont découvert que les baies d’Agosten étaient redoutables avec un coulis de chocolat noir.
La semaine passée, iels ont même accueilli Margret Tuejoie, venue rencontrer ses lecteurs et dédicacer ses livres. Yurgo a passé l’après-midi à angoisser que l’autrice fasse une maladresse ou dévoile ses oreilles par inadvertance, mais elle a pesé chacun de ses mots et était coiffée d’un élégant turban.
Rudd et Ewenn reviennent, les bras chargés de lourdes chopes coiffées de mousse. Dans le fond, derrière le bruit des rires et des conversations qui emplissent la taverne, résonne la musique d’un groupe de nains aux airs patibulaires et aux oreilles percées, une sorte rock-folk local chanté dans un Aguenois argotique que Yurgo ne saisit pas entièrement. « Aux amis, aux amoureux et aux amants ! » lance Aroxenn en levant sa chope, non sans adresser un clin d’oeil discret à Rudd et Yurgo. Iels lèvent leur chope de bon coeur et trinquent.
Des sourires. Des rires. De la chaleur.
La main d’Aroxenn dans la sienne. Son havre de paix.
Dans la nuit d’Agosten.
Un petit bout d’utopie.
Épilogue
« Yurgo ! Tes clés sont ici ! » Il émerge, le souffle court, d’un placard encombré, et redescend d’un pas pressé dans la librairie déserte. C’est un mois de février plutôt doux, et comme l’actualité littéraire n’est pas très chargée, Yurgo s’est accordé un mois de vacances. « Merci mon coeur », dit-il en embrassant l’elfe qui l’attend, sac sur le dos, fin prête pour leur voyage. Circus, agité, s’impatiente en couinant près de la porte.
L’appel du large a encore frappé, mais cette fois-ci, Yurgo sera dans la valise. Aroxenn est apaisé. Il a confié le refuge à Rudd, qui vient s’occuper de ses nouveaux amis à poil tous les soirs. Il y a quelque chose d’attendrissant à voir ce grand colosse jouer avec les animaux, assis en tailleur, un grand sourire sur le visage.
Sara leur a prescrit quelques livres qui alourdissent douloureusement leur chargement, mais devrait les faire voyager plus loin encore. Ewenn leur a confectionné tout un tas de douceurs et de pâtisseries délicieuses, ainsi qu’un stock d’herbes de son jardin pour les infusions du soir.
La liberté, finalement, est dans le coeur. Partir n’est pas être libre si c’est pour fuir. Rester n’est pas une liberté si la porte est close. L’équilibre, c’est de se battre pour la liberté de l’autre, parce qu’immédiatement ce combat libère. À l’infini.
Être libre, ce n’est pas travailler, ni gagner de l’argent. Ce n’est pas être patron, ni le sien, ni celui des autres. Être libre ce n’est pas être en haut d’une pyramide bâtie pour asservir.
Être libre, c’est écraser des frontières. Qu’elles soient palpables ou non, écraser des frontières. Ce qui sépare les êtres est un mirage, plus solide dans la tête qu’en réalité : la négation de la liberté de l’autre.
Yurgo ferme la librairie, un sourire aux lèvres. Il range ses clés, hisse son sac sur le dos, regarde Aroxenn et lui demande : « Alors, tu m’emmènes où ? »
Écraser des frontières.
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