Lecture : Vers l’universel, et au-delà !

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Que cherchons-nous en l’autre ? Ce qui nous ressemble, ou ce qui nous différencie ? L’universel existe-t-il ? Est-ce le fantasme étriqué de quelques conservateurs ou le respect des cultures et des différences ? Ces questions parfois brûlantes traversent notre actualité, et sont au coeur de deux très beaux livres récemment publiés : Rossignol d’Audrey Pleynet chez Le Bélial’ et Tous les Hommes… d’Emmanuel Brault, sur le label mu des éditions Mnémos.

Rossignol, Audrey Pleynet

La station est un laboratoire. Une expérience. Le point de rencontre entre toutes les espèces qui peuplent l’univers. Le rassemblement hétéroclite d’idéalistes et de marginaux de l’espace échoués ici par défaut ou animés par une utopie. Les êtres ici, majoritairement hybrides, se définissent en pourcentages génétiques, naviguent dans la station grâce aux Paramètres, qui adaptent l’environnement à leurs différences biologiques.

Mais une guerre idéologique couve entre les Spéciens, partisan d’une séparation des espèces et les Fusionnistes, qui eux prônent la liberté du métissage. Une femme, aux gênes majoritaires Humania, va se trouver au coeur de ce conflit qui met en péril le peuple des stationniens tout entier.

Au début, cette Novella est déstabilisante. On entre dedans comme dans un flot d’informations dont on aurait manqué le début. C’est un bruit de foule. Un vacarme. Celui de la multitude qui va et vient dans ce refuge au coeur de la Galaxie. Il faut se laisser immerger et s’abandonner, oublier l’idée de tout comprendre : on est à hauteur d’yeux, nous ne seront pas omniscients.

Petit à petit cependant, tout se construit autour de nous. On apprend. On glâne des bribes d’informations, notre cerveau s’adapte. On frôle les êtres comme si nous y étions. Par la danse, la pensée, la parole, l’amour ou le toucher. Une explosion sensorielle fascinante qui nous amène à penser autrement, et un cri de révolte contre tout ceux qui voudrait que cela cesse.

Ce n’est pas un hasard si ce livre m’a donné envie de me replonger dans Star Trek. On y trouve la même recherche d’un universel ouvert et inclusif qui respecte les différences culturelles. La même ode à la rencontre de l’autre non par la peur de ce que nous ne connaissons pas mais par la curiosité et l’envie d’élargir l’horizon.

Rossignol, Audrey Pleynet, collection « Une heure lumière », éditions Le Bélial’, 10,90€

Tous les Hommes… Emmanuel Brault

Tous les hommes... Emmanuel Brault

Dans un vaisseau cargo chargé d’hydrogène, trois hommes naviguent à travers la Fédération, empire immense composé de 84 planètes, dirigé par la France et les idées des Lumières. Astide, jeune apprenti aspirant à intégrer pleinement le corps des Ulysses, est le dernier arrivé dans ce trio atypique qu’il compose avec le capitaine Vangelis et Alfred, un « centaure », une caste esclavagisée considérée comme inférieure – des animaux, selon la loi.

Alfred est le mécanicien du vaisseau. Il a été sauvé d’une mort certaine par Vangélis, qui a eu pour lui un « coup de foudre ». Ils sont amants, mais la loi les sépare comme un mur infranchissables. L’insouciance au coeur du vaisseau cesse d’exister sitôt qu’ils se posent quelque part. La réalité se rappelle à eux : Alfred est un animal.

Mais Alfred aspire à plus. Il ne se laisse pas rabaisser. Il connait par coeur la « dix-sept quatre-vingt-neuf », la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, qui débute ainsi : « Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». À la suite d’une énième humiliation, il se révolte, et rejoint la cohorte de ceux qui, en résistance, aspirent à changer le monde. Il devra alors se battre non seulement contre un pouvoir oppresseur, mais aussi contre ses deux amis qui tentent de le raisonner.

Ce roman est habile. Merveilleusement bien écrit, il transforme notre pays en une fédération intergalactique et notre aspiration à un monde plus juste en space opera. Alfred, en Spartacus de l’espace, est le révélateur qui fait tomber le masque d’une république hypocrite qui prône des valeurs « universelles » et opprime en leur nom. Que sont ces mots, Liberté, Égalité, Fraternité, si nous avons des esclaves ?

Plus profondément, s’il existe des injustices, des discriminations systémiques au coeur de la société, que valent ces grands discours qui prêchent sans honte et dans le noir un idéal des Lumières noyé depuis des siècles ? Plus encore que l’oppression d’un pouvoir hypocrite, ce roman s’attaque aussi au « tone policing », à l’appel au calme, aux leçons de bienséance que l’on adresse aux opprimés quand ils se soulèvent. Finalement, l’universalité ne peut-être une proclamation figée. Elle est un apprentissage, un dialogue, une recherche d’ouverture. Elle est l’amour qu’on porte à l’autre, malgré tout ce qui nous sépare.

Tous les hommes… Emmanuel Brault, label mu, éditions Mnémos, 20€

Bonne lecture,

Viktor Salamandre

Une réponse à “Lecture : Vers l’universel, et au-delà !”

  1. Avatar de Milou
    Milou

    Que d’auteurs à découvrir, de styles différents et ton regard sur ces oeuvres qui me donne envie de les essayer, de m’y plonger, de lâcher prise et de juste déguster le moment présent « lire quand tout crame »

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