Sodome et Gomorrhe

Dirty PÖP / Salement PÖP – Long live PUNK CABARET !

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Je ne pouvais pas décemment continuer ces sales chroniques PÖP sans parler de la divine, de l’unique, de la seule. Mesdames-et-messieurs-ladies-und-gentlement voici of course l’icône underground du « Brechtian Punk Cabaret » : Amanda Fucking Palmer. Mais évidemment, ne parler que d’elle serait bien réducteur. La rencontre et la collaboration étant au centre de sa pratique artistique, il gravite autour d’elle une multitude de projets, de groupes, d’artistes d’horizons très divers : plasticiens, danseurs, performeurs, musiciens… Et puisqu’il faudrait écrire une encyclopédie pour parler de tout ce monde, voici déjà les projets de la bostonienne la plus cool de la planète.

Divine Décadence

Il faut quand même parler de l’imagerie. De l’imaginaire. Le cabaret est une vieille tradition européenne, particulièrement en vogue au début du 20e siècle, durant les années 20 et 30, notamment en France et en Allemagne. En cette époque de crise économique (tiens tiens), d’instabilité politique, de tensions internationales, le cabaret était une des nombreuses portes vers l’évasion. Le monde de la décadence joyeuse, « Divine décadence » comme susurre la jeune Liza Minnelli dans le sublime Cabaret de Bob Fosse. A l’époque, déjà une icône : Marlene Dietrich, « L’ange bleu ».

Bien des années plus tard, bien après la seconde guerre mondiale, Bob Fosse filme la célèbre comédie musicale Cabaret, avec en vedette la jeune Liza Minnelli, fille du célèbre cinéaste Vicente Minnelli. Le film est un succès et remporte huit Oscars dont celui de la meilleure actrice. Mais Liza dans cabaret, c’est cette imagerie folle et doucement érotique, celle de la star d’un petit cabaret brouillé par la fumée des cigares.

The Dresden Dolls, poupées de Boston

Ils apparaissent dans les bacs des derniers disquaires (snif) en 2004 avec leur album éponyme sorti en indé, discrètement, ne se doutant même pas de l’écho sinon du succès que cet album aura, particulièrement dans les milieux rock / underground indé (loin des Inrocks, donc).

Les Dresden Dolls, c’est un duo atypique mené par Amanda Palmer au piano-voix, et Brian Viglione à la batterie et aux chœurs. Fondé à Boston, le duo évolue dans la foisonnante communauté artistique de l’est des Etats-Unis, la face cosmopolite de l’Amérique. Ensemble, ils inventent le genre du « Brechtian Punk Cabaret », à mi-chemin entre le punk rock et la tradition du cabaret, sorte de Marlene Dietrich à crête, menant la « Divine décadence » de Liza à des niveaux jamais atteints.

« Brechtian », c’est évidemment un hommage à Bertold Brecht, écrivain allemand, auteur avec Kurt Weil de la célèbre Alabama Song (qui n’a donc pas été écrite par les Doors, bande d’incultes). « Punk » pour le rythme, l’énergie, l’esprit « Fuck’em All » et « Vivons sans temps mort » comme si nous n’avions pas de futur. Le cabaret vient équilibrer le tout d’une touche de nostalgie, de mélancolie, de jazz aussi. C’est particulièrement le cas sur le deuxième album studio du groupe Yes, Virginia, sorti en 2006 sur le désastreux label Roadrunner.

Ode au pouvoir rassembleur de la musique, Yes, Virginia est présenté par les disquaires en tête de gondole. Plus punk rythmiquement que leur premier opus (dans Necessary  Evil notamment), plus jazzy aussi dans le chant (Mandy Goes To Med School), la balade finale, Sing, puissante évocation de la musique comme émotion universelle plus que comme un art réservé à une élite éclairée, vous hérisse le poil, voyez plutôt (attention, clip magnifique)

En 2008 les Dolls sortent No, Virginia, composée de titres enregistrées lors des sessions du précédent album, avant de se déclarer en pause indéterminée, c’est à ce jour leur dernier album, mais ne désespérons pas de voir un autre album des poupées de Boston sortir un jour : les deux compères, bien que très pris par leurs projets respectifs, sont loin d’être fâchés.

Amanda Palmer goes wild… solo

Amanda Fucking Palmer ne tient pas en place, et décide de partir solo à l’assaut des bacs. Et c’est avec l’aide du musicien pop anglais Ben Folds qu’elle compose et écrit les douze mystérieux titres de Who Killed Amanda Palmer ?, référence claire au Twin Peaks de David Lynch. Album foisonnement intégrant un jeu de piste que je n’ai absolument pas compris (j’étais beaucoup moins fort en Anglais à l’époque), elle réalise, six ans avant Beyoncé (désolé, Nath), un album visuel réalisé par Alex de Campi (qui a aussi réalisé les clips des Puppini Sisters) et Chip Yamada.

Les autres vidéos seront dans la playlist, of course. Ben Folds apporte une touche de pop, de synthé, au « Brechtian Punk Cabaret » d’Amanda Palmer. Elle est accompagnée en tournée par les performers du Danger Ensemble, qui apportent à la musique une émotion tantôt subtile, tantôt burlesque.

Et comme si ce n’était pas assez, Amanda se paie le luxe de faire rédiger la « quatrième » de son album par… Neil Gaiman (bon, ok, ils se marieront quelques temps plus tard), auteur culte de science-fiction. Mais ces années-là sont aussi celles des polémiques. La première exacerbe les tensions entre l’artiste et son label, Roadrunner (Slipknot, et à l’époque un tas d’autres gros groupes de metal), qui refuse la sortie du clip Leeds United parce qu’on voit son ventre et que ces messieurs le trouve… gros.

L’artiste ne se démonte pas et organise la riposte via son blog en lançant l’opération « ReBellyon ». Des centaines de fans envoient des photos de leur ventre avec un message pour Roadrunner écrit dessus, faisant plier le label qui rentre à la niche la queue basse. La deuxième polémique concerne la chanson Oasis, qui raconte, en gros, l’histoire d’une fille qui va à une soirée, qui se fait droguer, qui se fait violer, tombe enceinte, se fait avorter, mais elle s’en fiche, elle a reçu un autographe d’Oasis par la poste, le tout sur un ton pop et joyeux… Trop, pour les radios et chaines de télévision britanniques qui refusent de passer le titre.

Amanda Palmer répondra en concert à Londres en entamant le titre d’un ton triste et plombant, pour s’interrompre ensuite et reprendre le titre normalement : « Si on ne peut plus rire de la noirceur de la vie, c’est que la noirceur a gagné. » Palmer : 1, BBC : 0.

Evelyn Evelyn, mystérieuses sœurs siamoises

Ce projet est certainement le plus barré de la chanteuse. En 2010 apparaissent de mystérieuses sœurs siamoises à l’histoire épouvantable : vendues à un cirque, menant une vie de misère, elles rencontrent Amanda Palmer et Jason Webley qui les aident à enregistrer un disque. Incarnées par Amanda Palmer et le chanteur-accordéoniste américain Jason Webley (que je vous ordonner d’aller voir en concert s’il passe en France, il est génial), Evelyn-Evelyn sont timides, voire un poil autistes, mais font quand même de la bonne musique.

A la tonalité beaucoup plus cabaret, ce conte musical presque enfantin est un bonheur pour le cœur et les oreilles. Anecdote rigolote, dans les chœurs de My Space, on peut entendre la fille de Courtney Love et de Kurt Cobain, entre autres.

Au-delà de la blague, il faut saluer l’incroyable performance des deux musiciens, à jouer chaque morceau en n’utilisant chacun qu’une seule main, et ce quel que soit l’instrument.

The Grand Theft Orchestra, Théâtre du mal

Voilà le dernier projet d’Amanda Palmer (musical du moins, la publication de ses mémoires est prévue pour avant la fin de l’année, enjoy), et de loin le plus couronné de succès. Tout débute en 2012, quand après quelques concerts avec son nouveau groupe, The Grand Theft Orchestra, à la tonalité sérieusement plus rock, elle lance son projet sur Kicktarter, demandant à ses fans de la financer à hauteur de 100 000 dollars, le prix de l’indépendance et de la liberté. Après avoir récolté plus de 500 000 dollars en une semaine, elle atteint presque 2 millions de dollars à la fin de la souscription. C’est à ce jour le record de crowdfunding pour un projet musical. Cette souscription va permettre à Theatre Is Evil de faire son entrée dans le très désiré top 10 Billboard des meilleures ventes en première semaine aux USA (pour vous donner une idée de l’importance de ce classement, le dernier album de Birtney n’y est pas entré, sorry again, Nath).

L’album est un succès, la tournée qui suit l’est aussi, les concerts parisiens (à la Maroquinerie et à la Cigale) sont rapidement complets et sont de véritables tornades de joie et d’énergie. On ressort de ces concerts fatigués mais profondément heureux, et ce bonheur nous suit longtemps.

Amanda (Fucking) Palmer est probablement une des plus grandes artistes au monde. Sa vision universelle de l’art et de la musique, son combat pour l’indépendance et le partage libre de la culture en a fait une des voix les plus importantes de la culture underground, et une menace pour les majors, qui voient peu à peu leurs artistes éprouver un tout nouveau désir d’indépendance. Un exemple pour les jeunes musiciens.

Sex, music, sun,

Oskar Kermann Cyrus

Bonus : La playlist de la chronique, plus des tas d’extras.

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