Vous ne savez pas ce qu’est la page blanche. Ce syndrome dont tout le monde parle comme d’une chose tellement romantique. La page blanche, ce n’est pas ne pas être inspiré. Ce n’est pas ne rien avoir à dire. C’est tout le contraire. C’est le volcan chaos dans la tête qui frappe très vite très fort sur les parois du crâne, cette envie vomitive de crier hurler, de tuer quelqu’un, parfois, de faire mal, de faire taire cette douleur la douleur atroce le poids du vide des mots qui s’accumulent sans vouloir s’ordonner s’espacer, sans vouloir partir d’un bon pied en rang par phrases, j’en sais rien, qui ne veulent pas sortir correctement la page blanche c’est être nu dans le vide, terriblement conscient d’être seul, et ressentir quand même la honte.
C’est un souffle bizarre. Qui vient après la tempête. « Demain, j’arrête ». Tout. Je jette la plume dans un fossé comme on dépose les armes. « Demain j’arrête ». Et puis c’est facile, c’est jeté comme ça, ce « Demain, j’arrête. » un peu définitif, un peu seulement puisqu’on le sait ce putain de « Demain, j’arrête » n’est qu’une promesse au vide tout autour le mal va finir par nous reprendre, par nous reprendre, par me reprendre en otage. Il faut que j’arrête. Mais le besoin reste.
« Demain, j’arrête. » est une phrase éternelle. L’horizon que l’on n’atteint jamais. L’ordre éphémère illusoire d’une petite phrase conne comme « bonjour » c’est-à-dire qu’on prononce sans penser sans rire même, on le dit parce que ça se dit, c’est ce qui se dit « bonjour » comme un « Demain, j’arrête » ou l’inverse, finalement, ça n’a pas de sens.
« Demain, j’arrête. » mais je sais que je suis une machine incontrôlable. Terminer, terminer, la plume plantée dans la gorge, à saigner par de l’encre au-delà des mots qui s’écouleront en flaque, à pleurer comme un idiot sur le quai si stupide de ce nouveau port. « Demain, j’arrête. » promesse d’un crash, accident d’ivrogne, la gueule écrasée sur cette pute de feuille blanche, les yeux bousillés à fixer la lumière non pas le soleil mais ces néons blancs ceux qui éblouissent et donnent envie de dormir de fermer les yeux de se laisser aller à s’emporter par le vent d’un dernier souffle, un souffle étrange qui s’en va pas un « Demain, j’arrête. » de dernier recourt.
Demain, j’arrête. Je promets. J’arrête, demain, je pars. Je m’en vais. Demain, j’arrête. Demain. J’arrête.
Sincères Condoléances,
Oskar Kermann Cyrus
Après demain je suis un peu calmé. Ma colère a repris son cours normal. Le bouillonnement de la lave s’est transformé en un écoulement paisible qui détruit tout sur son trajet. Et bientôt un autre monde va naître sur ce nouveau sol fertile.
C’est plus ou moins ma vision de la littérature. Je n’écris pas pour donner des solutions, des réponses. La littérature, l’Art en général, n’est qu’un point d’interrogation. Et les questions détruisent toutes les certitudes. A d’autres de bâtir sur la cendre.
Il ne faut pas se sentir coupable de prendre une pause de temps à autres, pour mieux foncer par la suite. Il ne faut pas non plus devenir esclave de nos activités, surtout sur Internet. La liberté est le meilleur remède au stress.
Rassurez-vous, ce n’est qu’un texte sur la page blanche et la maladie qu’est l’écriture. Le « Demain j’arrête » est une promesse de Junkie.