Je ne pouvais pas décemment commencer les Dirty PÖP de l’Oskar Musik Summer sans parler de Grace Jones. Icône Pop, légende vivante, artiste insaisissable, auteure-compositrice-interprète, Grace Jones fascine par sa manière d’être toujours en marge. Hâtivement affublée du titre de « Reine du Disco » alors qu’elle pourrait largement prétendre au trône de la Pop, Grace Jones est aussi une des artistes les plus sous-estimés au monde. Alors je ne vais pas prétendre la résumer en un article, mais partager avec vous les morceaux par lesquelles elle a touché mon âme damnée.
Grace Jones est née le 19 mai 1948 en Jamaïque, île qu’elle quittera avec sa famille en 1965 pour la ville de Syracuse, aux USA, dans l’Etat de New York. Elle commence sa carrière comme mannequin, et remporte un certain succès: son apparence androgyne et son visage sculptural fascinent les créateurs et le public. Car Grace Jones a aussi été la muse d’artistes comme Andy Warhol (voir photo en couverture de cet article), Azzedine Alaïa et surtout Jean-Paul Goude. Mais son visage fascinera aussi au cinéma, puisqu’elle obtiendra des rôles dans « Dangereusement Vôtre » (James Bond) et « Conan le destructeur », deux films où elle exploitera son image androgyne, à la manière d’un David Bowie.
Elle débute sa carrière musicale en 1977, avec l’album « Portfolio », disque dans lequel elle mélange habilement Disco et Reggae (son enfance Jamaïcaine n’y est certainement pas étrangère), mélange qui surprendra et séduira le public. Dans cet album se trouve notamment sa reprise culte de « La vie en Rose » d’Edith Piaf:
Sa musique est hybride, entre rythmes endiablés et sensualité parfois vénéneuse, Grace Jones se situe musicalement au carrefour de plusieurs traditions musicales, de plusieurs tendances, de plusieurs sensibilités. De cette hybridation permanente naîtra la discographie la plus fascinante de la musique Pop. Sa proximité avec des artistes comme Andy Warhol se fait sentir dans sa manière d’aborder la musique et l’art. En représentation permanente, elle développera une certaine extravagance vestimentaire, interrogeant les canons de la beauté, les formes, les volumes, de la même manière qu’elle interrogera toujours les limites des genres musicaux. En 1980, sur l’album « Warm Leatherette », une reprise de Roxy Music fait mouche: « Love Is The Drug », accompagné d’un clip halluciné et hallucinant. Entre rock, disco et soul, ce morceaux surprend encore par son audace et son rythme.
En 1981 sort « Nightclubbing », un de ses albums cultes. Toujours largement influencée par le reggae, l’album se détache par une tonalité mélancolique évidente. Le meilleur exemple est cette adaptation du « Libertango » d’Astor Piazzolla en reggae. La chanson parle du côté sombre de la nuit Parisienne. Reprise culte, « I’ve seen that face before (libertango) » est le deuxième single issu de « Nightclubbing », le premier n’ayant pas percé dans les charts. En voici donc le clip, réalisé par Jean-Paul Goude, qui réalisera également la pochette de l’album.
Car c’est aussi ce qui caractérise Grace Jones: des textes très éloignés de ce qui se faisait en Disco ou en Pop. C’est une poésie sombre et futuriste qui hante les morceaux de cet album, car Grace Jones, disons-le, est à la musique ce que la science-fiction est au cinéma: un laboratoire où le monde apparaît dans des formes stupéfiantes.
Et puisque vous en réclamez encore, la voici en live, à Basel (Allemagne) en 2009 (oui, elle a 61 ans sur la vidéo. Si).
Toujours sur « Nightclubbing », le tubesque « Pull Up To The Bumper », que je vous laisse savourer sans trop parler.
Et en passant, je vous en offre une version live, dans l’émission « Later With Jools » en 2008:
Mais quand vous dites Grace Jones, l’immense majorité des gens vous répondront « Slave To The Rhythm » (ok, après « Conan le destructeur », peut-être). Issu de l’album du même nom en 1985, c’est LE tube de Grace Jones, au point que quand il a fallu choisir un morceau à interpréter au Jubilé de la Reine Elizabeth, ce fut « Slave To The Rhythm », et à 64 ans, autant vous dire qu’elle tient encore la forme, comme le prouve assez facilement son époustouflante interprétation… en hula hoop (si).
En 2008, après 20 ans d’absence (musicalement, je veux dire, puisqu’elle ne sortira dans cette période aucun album studio), elle sort de son silence et publie « Hurricane », album stupéfiant, magnifique, et disons-le tout net: un chef d’oeuvre. Le reggae est toujours présent, mais laisse place à plus de soul, de rock, et surtout d’expérimentation sonores. En voici l’unique single, « Corporate Cannibal »:
Et pour vous donner une meilleure idée de l’album, voici « William’s Blood » en live dans l’émission « Later with Jools » en 2008.
En 2011, elle réédite « Hurricane » et augmente l’album d’une version Dub que je vous invite à écouter (et acheter). En attendant, troisième extrait, en live, de « Hurricane »: « Love You To Life », en live en 2009.
Toujours en 2011, elle apparaît sur l’album de sa grande amie Brigitte Fontaine (elles ont plus ou moins partagées la même coupe de cheveux, à une époque) « L’un n’empêche pas l’autre », sur « Caravane » et « Dancefloor », dont voici le (très beau) clip. Il est à noter qu’elle apparaît aussi sur le titre « Soufi » de l’album « Prohibition » (2009).
Grace Jones est actuellement en plein travail sur son prochain album. Enjoy.
Sincères Condoléances,
Oskar Kermann Cyrus
Bonus:
Grace Jones rejoint Brigitte Fontaine au Bataclan en juin 2011 (autant vous dire que les gens qui ont raté ça, et dont je fais partie, s’en voudront jusqu’à la fin de leurs jours de s’être dit « Brigitte Fontaine au Bataclan? Une autre fois, je vais à la plage. »)
Et puis, puisque je suis de bonne humeur, voici la reprise que Grace Jones a fait de « Pars » de Higelin, sur l’album « Warm Leatherette » (1980).
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